Fédération des Sœurs de Sainte-Ursule d'Anne de Xainctonge

Biographie

La Compagnie de Sainte Ursule a été fondée par Anne de Xainctonge en 1606 à Dole.

Qui était Anne de Xainctonge ?

Dijon et Dole

La vie et le drame spirituel d'Anne de Xainctonge (1567-1621) s'accomplissent presque entièrement dans deux cités parlementaires, peu distantes l'une de l'autre : Dijon, sa ville natale, la capitale du duché de Bourgogne, au royaume de France, et Dole, la ville de fondation, en la comté de Bourgogne, plus connue sous le nom de Franche-Comté, qui dépendait alors de la couronne d'Espagne.

A Dijon, l'on vibre encore des controverses politiques et religieuses qui ont longtemps opposé avec violence le parti de la Ligue et le parti de Henri IV, puis opposent ensuite les deux partis français réconciliés au parti espagnol, lequel a continué obstinément la guerre avec l'appui tenace des derniers ligueurs. A Dole, se perpétue l'hostilité populaire contre la France, la voisine redoutée, suspecte de connivences calvinistes et ennemie toujours en éveil de la très catholique Espagne. La vocation d'Anne de Xainctonge, les différentes étapes de sa vie, ses épreuves spirituelles sont intimement liées à ce contexte géographique, politique et religieux.

Milieu familial

On ne connaît pas exactement son année de naissance. Retenons de préférence 1567, ce qui la rendrait jumelle de François de Sales… Par sa naissance et ses années de jeunesse, elle appartient au milieu parlementaire dijonnais. Jean de Xainctonge, son père, est conseiller au Parlement. Pierre, son frère, y sera lui-même avocat. Sa soeur Françoise sera fondatrice des Ursulines de Dijon. Les documents font aussi mention de Nicole de Ligéras, une demi-soeur maternelle, plus âgée qu'Anne, qui semble avoir tenu une grande place dans son cheminement.
Les parlementaires dijonnais ne sont pas étrangers à l'ouverture du collège des jésuites en 1581, qui aura un succès prodigieux et deviendra l'un des moteurs de la vie intellectuelle et spirituelle de la ville. Mais si les garçons ont leur collège, les filles de la bonne société ne sont pas pour autant négligées. Anne en effet sait non seulement lire et écrire, mais sait lire le latin. On peut supposer aussi que c'est dans son milieu familial qu'elle a reçu cette grande perspicacité dans le domaine du droit, qui sera sans aucun doute un des atouts majeurs de son oeuvre. Dès son adolescence, elle se met sous la direction spirituelle des jésuites.

Un grand désir

Aux élans de foi qui caractérisent les notables bourguignons de ce temps s'ajoutent le souci quotidien de l'assistance aux pauvres. Anne de Xainctonge, dans ce climat, prend conscience qu'elle est privilégiée par l'instruction qu'elle a reçue, et naît alors en elle un grand désir de se mettre à la disposition des pauvres et des servantes pour, à son tour, leur transmettre ce qu'elle sait, et surtout le goût des « choses spirituelles ». Pour cela elle se ferait maîtresse d'école. Jean de Xainctonge, son père, qui l'avait instruite pour qu'elle tienne sa place dans la bonne société, n'avait pas prévu que ce serait sa propre fille qui se rabaisserait à faire ce métier, alors fort méprisé.
L'appel est venu d'une circonstance : la maison des Xainctonge touche le collège où les jésuites se sont installés en 1581. Anne voit les garçons entrer et sortir… elle pense aux filles. Elle, déjà ignatienne par la direction spirituelle qu'elle demande aux jésuites, décide de s'inspirer aussi des collèges jésuites pour ouvrir des écoles de filles et instruire les femmes. Ce qui fera écrire à celui qui rédigera la chronique du collège de Dole, que la « Sainte Mère Anne de Xainctonge » est « un ouvrage de notre Compagnie, ayant toujours été conduite par nos pères, et que son institut est moulé sur celui de St Ignace par proportion ».

Dole

Anne a 28 ans quand le parlement de Dijon, à l'exemple de celui de Paris, expulse les jésuites de leur ville. L'année suivante, en 1596, elle décide, après un temps de discernement spirituel dont elle fera plus tard le récit, de quitter la maison familiale et de partir à Dole, la ville rivale de Dijon, alors sous domination espagnole, qui avait tant souffert de la guerre et de la peste l'année précédente. Son père y verra son honneur bafoué. De toutes les épreuves subies à Dole, la plupart proviennent en effet de la volonté paternelle de faire revenir Anne à Dijon : solitude, pauvreté, abandon des jésuites, procès devant des théologiens, pendant dix ans tout y passe.

Refuser la clôture

Au bout de dix ans, grâce à des compagnes doloises qui l'ont enfin rejointe, Anne peut commencer à réaliser ce à quoi Dieu l'appelait. Avec la même ténacité qu'elle avait eue pour refuser de revenir chez son père à Dijon, elle met le refus de la clôture comme « condition sine qua non » de sa Compagnie. Et ceci n'allait vraiment pas de soi en ce temps-là : le Concile de Trente, puis le pape Pie V, avaient réaffirmé que toute communauté féminine se réclamant de «  l'Etat religieux » serait obligatoirement cloîtrée (à cause de ces normes, François de Sales avait dû renoncer à fonder la Visitation sans clôture).
Malgré toutes les pressions sociales exercées par les familles ou le clergé pour que sa Compagnie soit cloîtrée, Anne tiendra bon dans son refus. Les raisons qu'elle en donne se résument ainsi : ce n'est pas notre vocation, et notre vocation vient de Dieu.

Vivre sans éclat

Renonçant en conséquence au titre et aux privilèges juridiques qu'avait alors « l'Etat religieux », acceptant que sa Compagnie attire moins d'adeptes, se contentant d'une approbation épiscopale plus fragile, elle tient bon, invitant ses sœurs, parce que telle est leur vocation, à s'engager dans cette vie ordinaire, sans statut clair et sans éclat. Rencontrant et instruisant les filles et les femmes, « mesmement les pauvres et les servantes », comme « Jésus conversant » avec ceux et celles qu'il rencontrait, elle désire leur révéler leur dignité de filles de Dieu. Pour celles qui la suivent, elle invente une nouvelle façon de vivre les conseils évangéliques en communauté. Chacune, vivant de la spiritualité ignatienne et mettant tous ses dons au service de la croissance humaine et spirituelle des filles et des femmes, s'engagerait aussi par vœu à ne jamais accepter d'être cloîtrée.

Sa mort

Anne de Xainctonge est morte en 1621 . « Je ne veux plus rien que de voir mon Dieu » : ce furent les derniers mots de celle qui avait combattu toute sa vie pour répondre l'appel qu'elle avait reçu de marcher à la suite de Jésus venu dans le monde, sans autre sécurité que sa confiance totale en son Dieu.

Le 14 mai 1991 Jean-Paul II déclarait l'héroïcité des vertus d'Anne de Xainctonge.